Ayant home trainé tout l’hiver, nous nous trouvâmes fort dépourvus quand le printemps fut venu. Le COVID qui nous avait tenus à la maison nous privait en plus de notre désormais habituelle Etape du Tour. Nous sommes donc aller crier famine vers d’autres objectifs susceptibles de calmer nos appétits pour les cols et dénivelés ;
Les sept majeurs ne manquant ni de l’un ni de l’autre furent donc désignés pour notre razzia estivale. Notre car, avec l’ami Jacques, nous pratiquons le vélo au même rythme et avec les mêmes motivations, constituants indispensables au succès à deux d’un tel défi.
Sur le papier, les chiffres font en effet un peu peur ; 360 km, 11500 m de D+ et sept cols tous culminant à plus de 2000 et 2500m. Mais la région des Alpes du Sud est peu sujette aux aléas météo, les cols français en sont connus (Vars, Izoard, Agnel) et la découverte de la célèbre Bonnette mérite le détour. En outre, l’annuaire de la confrérie des Sept Majeurs qui regroupe les cyclos ayant réalisé ce raid, n’est pas très fourni mais regorge de récits enthousiastes. L’objectif était donc de faire ce parcours en deux jours (48h) afin de prétendre au grade de Maître de la Confrérie.
Le départ classique est à Jausiers (Barcelonnette), et la Confrérie recommande le parcours dans le sens horaire pour des raisons de sécurité dans certaines descentes (on confirme a posteriori). Cela donne donc l’enchainement :
- Versant Sud du col de Vars (moins long que le nord mais avec quatre km raides à la fin)
- Versant Nord de l’Izoard (moins célèbre que le Sud mais finissant à la même altitude !!)
- Versant Français du col Agnel (long et finissant par finir à 2750m)
- En Italie, Col de Sempeyre (inconnu mais au profil « revêche » et finissant lui aussi à 2500m)
- En Italie, Col de Fauniera (inconnu mais visiblement très long voire redoutable selon un magazine récent)
- Versant Italien du col de la Lombarde (passage vers Isola)
- Versant Sud de la cime de la Bonnette (la plus haute route d’Europe à 2800m)
Nous les avons recompté plusieurs fois, ça fait bien 7 !! Nous sommes partis le 13 juin de Jausiers à 4H30 afin de bénéficier au mieux des jours longs. Un simple sac de selle à peine plein avec de quoi réparer et, le cas échéant, dormir « là où on peut »
Les jambes bien préparées tout l’hiver et la fraicheur du matin ont permis d’avaler Vars sans trop de mal et même de savourer l’aurore sur ce vallon calme et sans circulation. La première partie pénible du raid est la remontée vers Briançon par la route principale. Ce n’est ni plat ni tranquille et cumule près de 30km. Le petit déjeuner à Briançon est bienvenu vers 9h.
La montée de l’Izoard m’était connue. La montée dans la forêt est roulante et plus paisible que l’interminable ligne droite de Brunissard du versant Sud. Elle use tout de même avec ses 9% et le bar du sommet est bienvenu vers midi. La halte à la fontaine d’Arvieux et son épicerie ouverte complètent le ravitaillement car la journée n’est pas finie. Le pied d’Agnel est vite gagné par la vallée du Guil. Il fait chaud et les premières pentes d’Agnel assèchent les bidons. La fontaine de Fontgillarde est au tiers de l’ascension, après, le vent s’en mêle car la neige qui orne encore les sommets du col fait descendre l’air froid en un petit vent défavorable qui finira par s’ajouter à la pente régulière mais surtout longue, très longue qui mène (seulement) au troisième col. Le spectacle du col et le passage en Italie rassemblent vite les forces restantes pour la première des descentes italiennes. Celles-ci n’ont pas bonne réputation, méfiance donc. Celle-ci est bonne, sans mauvaises surprises jusqu’à Pontechianale. Il est 18 h et il faut prendre une décision sur la suite. Plutôt que de foncer dans l’inconnu, nous choisissons de passer une nuit reconstituante dans le petit hôtel du village.
Nous n’aurons le petit déjeuner qu’à 7h30 au lieu des 6h convenues et c’est donc sans espoir de rattraper ce temps que nous descendons sur Sempeyre. La vallée est belle mais les villages sont rares et il ne faut pas trop compter ici sur la petite boulangerie, le petit bistrot voire sur un hébergement. Une fois trouvée la petite route à droite qui débute le col de Sempeyre (attention), nous voici partis pour le premier col Italien. La pente est tranquille mais cela ne veut dire que sans voitures, à part cela, 18km à 8-9% de mauvais bitume rendant mal. Heureusement, le décor est sauvage, magnifique et pas de crevaison. La route vient d’être réouverte (attention, vérifier avant de partir car la neige peut persister tard en saison).
On a changé de dimension par rapport aux cols français si « civilisés » avec motards, photographes pros et marchands du temple au sommet. Ici, on est sur une petite route de montagne fréquentée seulement par quelques randonneurs et forestiers locaux, moi j’aime et les jambes suivent toujours, alors on déguste…. Le sommet signifie que la moitié de nos 7 est faite, il reste la descente et là, j’aime moins ; étroite, mal bitumée avec trous et réfections « en cours !! ». Mieux vaut éviter de tenter les records ou des nocturnes.
La vallée qui suit est aussi encaissée et toujours pas de boulangerie, d’épicerie ni de bistrot. Il faudra monter les 4 premiers km du col de la Fauniera pour trouver un petit restaurant et un camping (comme indiqué sur le panneau du carrefour). Il est 14h et le plat de pâtes est le bienvenu car la suite s’annonce longue. Elle l’est mais que c’est beau !! La montée dans la forêt comporte un court passage ou le Garmin indiquera 22 % où il faut slalomer entre les plaques de sable. Après et après cet après, ça monte et ça tourne dans une vallée isolée et sauvage, ce sera pour moi le grand moment du raid. Le bitume est meilleur et le pourcentage plus raisonnable. La civilisation est loin en bas et les montagnes inconnues nous attendent. Le premier col situé sur une épaule du sommet porte un petit monument à Fausto Coppi, harmonie dans la gloire modeste. Après, ça se complique, on voit le sommet mais la route est barrée, elle s’est effondrée sur une vingtaine de mètres. Quelques négociations avec les ouvriers qui veulent nous faire redescendre (… ) et nous portons les vélos en regrettant de ne pas avoir suivi le conseil de porter des chaussures de VTT. Le sommet proche est un sommet de beauté sauvage mais ici, le monument est dédié à Marco Pantani…pas glorieux mais Je ne jetterai la pierre aux Italiens que quand Anquetil n’ornera plus la côte de Chateaufort !!
Gare à la descente, interminable, étroite avec trous et pièges, mieux vaut éviter de s’y aventurer la nuit. Elle conduit à Demonte, bourgade ou on trouve tout ce dont on a besoin, hébergement compris.
Un bout de route plate permet de retrouver la plaque, ses esprits et la compagnie des poids lourds avant d’attaquer l’avant dernier col du raid, la Lombarde qui nous ramènera en France via Isola et la vallée de la Tinée. La montée est longue mais sans piège ni partie trop raide excédant les 10%. Les forces commencent cependant à manquer et la fin me voit victime d’une défaillance sévère. L’arrivée au col à 21h30 anéantit l’espoir du grade de maître de la confrérie. Impossible à cette heure de trouver un repas chaud et un peu de repos avant d’attaquer la Bonnette de nuit. Il faut d’abord récupérer et la chance nous permet de trouver un appartement en Air BandB à Isola 2000.
Il reste la Bonnette, ses 2800m d’altitude et ses 25 km de montée. La fin du raid, le repos et l’accoutumance à l’altitude les feront paraitre presque courts. Le décor somptueux de cette vallée ouverte et paisible fait le reste, la montée dont on se souvient et qui fait dire que « ça passe bien »., C’est long mais régulier, faisable de nuit mais par pleine lune pour l’ambiance !!
La descente sur Jausiers est « un boulevard » sans aucun piège faisable à toute heure mais en essayant d’arriver avant la fermeture des bistrots pour la bière de la victoire.
Le départ de Jausiers n’est pas obligatoire mais il semble s’imposer au fil du temps. Jausiers est loin de Paris et n’est pas une métropole mais le départ de Briançon nécessite une préparation soignée pour trouver un hébergement en Italie et la tenue de l’horaire, chacun peut réfléchir à son option. Mais de Jausiers ou d’ailleurs, l’expérience vaut largement les efforts à consentir tant par les dénivelés que par la beauté stupéfiante des paysages et l’aventure qui va être difficile à oublier. En deux jours, trois jours ou plus, à vous de jouer !!