Je me mets devant mon ordinateur sans savoir par où commencer. Comment résumer une expérience aussi forte et intense, partagée et cependant très personnelle ?
Le parcours : De très jolies petites routes de campagne, de magnifiques paysages au lever du jour (sauf le mardi matin où le paysage était masqué par un brouillard et une bruine glaciale) ou au coucher du soleil (mise à part le lundi soir ou le temps était humide et glacial suite à une énorme averse), la traversée de très beaux villages ( Fougères, Ambrières… et plein d’autres mais malheureusement la limite des 90 heures ne m’a pas permis de m’arrêter pour visiter comme je l’aurais aimé), une mention spéciale pour les monts d’Arrée (à l’aller, la descente me faisait redouter un retour difficile à tort car la côte de 15km était longue mais en pente douce, d’où mon expression « c’est une côte plate » qui a un instant fait douter de ma lucidité), une arrivée sur Brest grandiose par un pont sans voiture traversant la rade.
Les participants : Vous n’êtes jamais seuls, il y a toujours un cyclo devant, un cyclo derrière, de jour comme de nuit. Sur les 69 nationalités dont seulement 24% de français, on pourrait faire une sociologie des cyclos : les allemands très entraînés et organisés ; les anglo-saxons en Rapha ; les italiens et espagnols et ceux parlant espagnol ou portugais, à la langue bien pendues ; les cyclos des pays de l’Est qui sont un mixe du tout ; les français qui ont plaisir à papoter avec moi ; les asiatiques atypiques par leur équipement et leur attitude. Dès la première étape, ils étaient nombreux à dormir dans les fossés, certains bien équipés (un avait des cartons recouverts d’alu qu’il dépliait comme matelas et couverture de survie, j’en ai vu un s’installer un vrai couchage 2 places ?; d’autres n’avaient même pas une couverture de survie) ; une fille roulait en jupette avec sac à main ; beaucoup n’avaient pas de pédales autobloquantes ; à priori la plus part sont peu habitués à rouler en groupe, ils prennent peu les relais, mais se collent plutôt aux groupes qui roulent, certains passent leur temps au téléphone. Par pitié, il faudrait interdire la musique ukrainienne et taiwanaise : je devrais proposer à l’ACP de rendre les mix de Pasteur Charles obligatoires.
Les montures : Certaines sont atypiques. Il y a bien sûr les vélos couchés, les vélos carénés qui font un bruit de moteur, des fat tire bikes que je n’ai vu qu’au début, des vélos divers et variés (mais je ne suis pas très douée en matos). Je n’ai vu qu’un seul vélo avec petites roues, alors que dans la région de Shangaï, tous les cyclotouristes roulaient avec ce type de vélo.
L’accueil : Les 181 villages traversés sont très accueillants, surtout à l’aller (au retour les habitants sont eux aussi épuisés). Les habitants installent des stands devant leur maison, proposent eaux, café, jus, fruits, gâteaux parfois faits maison, soupe…, voire dortoir, en général gratuitement) ; les enfants sont dehors pour vous applaudir et taper dans la main ; certains villages sont décorés avec des messages de bienvenue et d’encouragement. Merci à cette jeune fille qui m’a proposé une délicieuse crêpe à l’aller, à cette dame au retour qui s’est excusée de ne plus avoir de gâteaux maison mais qui n’avait pas dormi depuis 2 jours, à cette dame qui a couru chez elle me chercher du Gaviscon à minuit quand je lui ai dit que je renvoyais tout ce que je mangeais…). Aux contrôles, les 2500 bénévoles travaillent comme des pros, avec le sourire et la bienveillance en plus.
Mais mon plus grand étonnement est plus intime : c’est notre capacité à s’adapter et à se concentrer sur l’objectif.
Ainsi rester à macérer pendant 4 jours dans sa transpiration n’est plus un problème ; c’est un vrai entrainement à la clochardisation !
De même, dès le lundi, j’ai eu des problèmes de digestion, remontées gastriques, impossibilité d’avaler et renvois. Et à mon grand étonnement, j’ai pu continuer à pédaler avec comme alimentation une soupe et une demi boule de sorbet au fruit par jour. Finalement, je me demande à quoi servent tous ces gels, barres et poudres, si l’organisme arrive à fournir de l’énergie avec rien. D’autant plus que mes bourrelets n’ont pas disparus, j’ai perdu au plus 2kg. Ces problèmes de digestion ont été une mauvaise surprise pour moi qui ai un appétit d’ogre, comme le fait que mes goûts ont alors changé (le chocolat et le café provoquaient du dégoût !).
Ne plus toucher mon smartphone pendant 4 jours n’a pas été un problème (il est vrai que j’avais le compte-rendu rapide de ma sœur qui animait un WhatsApp pour les proches).
De même, la capacité à rester lucide malgré la fatigue est étonnante. Attention, ce n’est pas la même chose pour tous. J’ai ainsi pu voir, en direction de Mortagne au retour, un japonais me doubler à fonds dans une côte pour me faire une queue de poisson et atterrir dans le bas-côté, perpendiculairement à la route : il s’est endormi alors qu’il montait à fonds une cote. Lorsque je me suis assoupie, c’était sur le plat, lorsque je roulais sans effort, j’ai eu la lucidité de m’arrêter (même si j’étais en retard) pour dormir 10 minutes sur un trottoir en mettant le téléphone en réveil, puis de repartir avec de la musique.
En points rapides, mon rapport d’étonnement, c’est aussi :
- Je n’ai pas eu de problème de pieds (est-ce dû à la pommade NOK ?)
- Je n’ai pas eu de problème de fesses (est-ce dû à la selle Brooks, aux cuissards Assos et à la crème Assos utilisée à chaque contrôle ?)
- Je n’ai pas eu d’ampoule sur les mains mais au retour des fourmillements dans les mains, qui semblent normaux et devraient partir en 3 mois.
- J’ai eu mal dans une épaule et à la nuque, mais ponctuellement et des massages avec une pommade spéciale ont dû diminuer la douleur.
- Alors que dans la vallée de Chevreuse, je ne double jamais personne dans les côtes, lors du PBP, il m’arrivait souvent de doubler des cyclos et notamment dans les côtes, au début comme à la fin. Ca réconforte plutôt !
- A chaque contrôle (sauf le dernier pour être sûre de ne pas être en retard), je me suis étendue de 20 min à 4h ce qui me permettait de récupérer. L’assistance d’un camping-car piloté par ma sœur avec l’aide de mon neveu a été le facteur clé de réussite de ce challenge. Merci à eux qui sont rentrés presqu’autant fatigués que moi.
Pour info, une fonctionnalité de localisation de Google maps fonctionne très bien: ma sœur et mon neveu étaient toujours présents pour m’accueillir à chaque contrôle sans avoir à poireauter.
Des amis de Paris sont venus spécialement à Brest pour m’encourager, d’autres de Dijon ont fait un détour sur le chemin des vacances pour venir me voir, des copains du CTVS, des copains cyclos rencontrés en Chine étaient à Rambouillet pour m’attendre, sans parler de ceux qui me suivaient sur chrono-course et sur WhatsApp. Avec de tels soutiens, je ne pouvais qu’y arriver.
Pendant quelques nuits, dans tous mes rêves, je dévalais la campagne bretonne avec entrain !
Voila ce que dit mon GPS (temps roulé):
distance | temps | dénivelé | moyenne | |
---|---|---|---|---|
Etape 01 Rambouillet -> Mortagne-au-Perche | 117,35 | 4h52 | 921 | 24,1 |
Etape 02 Mortagne-au-Perche -> Villaines-la-Juhel, | 99,57 | 4h41 | 899 | 21,3 |
Etape 03 Villaines-la-Juhel -> Fougères, | 89,68 | 4h17 | 858 | 20,9 |
Etape 04 Fougères -> Tinténiac, une partie dans un bloc de 4 nationalités | 53,5 | 2h27 | 355 | 22 |
Etape 05 Tinténiac -> Loudéac, une partie en relais avec Jane, une jeune Ecossaise | 83,79 | 4h07 | 763 | 20,4 |
Etape 06 Loudéac -> Carhaix, | 77,17 | 3h53 | 813 | 19,8 |
Etape 07 Carhaix -> Brest, | 88,31 | 4h05 | 784 | 21,6 |
Etape 08 Brest -> Carhaix, | 83,67 | 4h10 | 953 | 20 |
Etape 09 Carhaix -> Loudéac, | 89,23 | 4h59 | 1036 | 18 |
Etape 10 Loudéac -> Tinténiac, | 86,91 | 4h13 | 719 | 20,6 |
Etape 11 Tinténiac -> Fougères, | 53,44 | 2h36 | 419 | 20,5 |
Etape 12 Fougères -> Villaines-la-Juhel, | 89,04 | 4h22 | 908 | 20,5 |
Etape 13 Villaines-la-Juhel -> Mortagne-au-Perche, difficile cette nuit | 83,96 | 4h42 | 870 | 17,8 |
Etape 14 Mortagne-au-Perche -> Dreux, magnifique lever du jour, route très roulante | 77,22 | 3h25 | 509 | 22,5 |
Etape 15 Dreux -> Rambouillet, protégée du vent par un allemand sympa qui roulait super bien. | 43,39 | 2h03 | 299 | 21,1 |
total | 1216,23 | 58h52 | 11106 | 20,7 |
Bonjour Dominique, je découvre avec plaisir ton compte-rendu ! Moi aussi j’ai beaucoup rêvé la nuit de PBP pendant les deux semaines qui ont suivi 🙂
En revanche après avoir dit à l’arrivée que je m’arrêterais au numéro 2 je commence à penser à 2023 …
Tes temps roulés sont impressionnants. je n’aurai jamais les miens, ayant perdu mon GPS à Mortagne au retour, mais je suis certaine que je ne dépassais jamais 19 de moyenne entre deux contrôles sauf au début !